« Un tournoi inhumain »... Les TQO, où la pression ultime pour les athlètes (2024)

Tout professeur de terminale le répétera à ses élèves: il vaut mieux être régulier toute l’année et surfer sur cette dynamique au moment de passer le bac, plutôt que tout jouer sur le talent devant la feuille blanche en juin, au risque de tout perdre. Et bien, dans le sport de haut niveau, non seulement il faut être bon toute la saison et, en plus, ne pas se rater lors des tyranniques tournois de qualifications olympiques (TQO), comme celui que vivront les basketteurs 3x3 français (seule équipe de sport co pas encore qualifiée) du 3 au 5 mai au Japon, sinon bye-bye les Jeux.

Souvent, il ne suffit pas de faire partie des meilleurs mondiaux pour obtenir son ticket pour les JO, il faut aussi donc se coltiner ces tournois où la faucheuse rôde au moindre faux pas. «Pfff, les TQO, c’est quelque chose, se rappelle Laurent Tillie. La pression est dix fois plus forte qu’ailleurs, même que pour un match pour une médaille mondiale. Si on ne passe pas le cut, c’est fini, et c’est un rêve de quatre ans qui passe sous le nez. C’est le plus difficile à gérer.»

«Inhumain comme tournoi»

L’ancien sélectionneur de l’équipe de France de volley en sait quelque chose. Pour les JO de Rio (2016) et de Tokyo (2021), il est passé à trois reprises (deux en2016) par la case TQO. Deux fois, lui et son équipe s’en sont sortis avec une qualification olympique, non sans souffrance. «Lors du premier TQO, sur lequel on ne se qualifie pas, on fait cinq matchs en cinq jours face aux meilleures équipes européennes, et on échoue en finale, complète-t-il. C’était inhumain comme tournoi.»

La lutteuse Koumba Larroque a également passé des nuits compliquées lors des TQO pour les Jeux de Rio en2016, qu’elle n’avait pas réussi à disputer:

«J’étais tétanisée par l’enjeu, c’était très stressant, très angoissant. Il fallait faire dans les deux premières, et sur les deux TQO, j’avais fini troisième. Si tu rencontres la plus forte de la catégorie au premier tour, tu ne fais pas forcément deuxième, c’est une pression hyper particulière. L’enjeu est un peu différent, et il se passe toujours des choses particulières. Mais, mentalement, on sait que ça va être la guerre.»

Des TQO un mois avant les Jeux

Une guerre qui peut durer dans le temps et venir vous torturer mentalement pendant de longs mois si vous ne parvenez pas à vite vous qualifier. Car il n’est pas rare de retrouver des tournois de qualifications olympiques à des dates très rapprochées des Jeux. «Les TQO, c’est tard, mars-avril-mai, donc ça ne laisse pas beaucoup de temps pour se préparer pour les Jeux ensuite», indique Koumba Larroque, qui a cette fois obtenu son précieux sésame dès le mois de septembre, après les Mondiaux.

Pire encore pour les archers, qui avaient eu droit à un TQO à seulement un mois des JO de Tokyo en2021. «Au vu de la date de la compétition, on s’est préparés comme si on allait aux Jeux, détaille l’archer Thomas Chirault. La stratégie c’était, on fonce, on donne tout comme si on y allait. Ce TQO, c’était une valeur ajoutée dans ce rêve des JO, car le rêve débute pour s’y qualifier.»

La notion de rêve qui se poursuit revient aussi chez Laurent Tillie, qui s’était effondré en larmes après avoir validé sa qualification, à Berlin, face à l’Allemagne, pour les JO de Tokyo. «Il y a tout qui a lâché, je me suis vidé, en sourit aujourd’hui celui qui entraîne les Panasonic Panthers… au Japon. Le rêve continuait et ne s’arrêtait pas. Quand on se qualifie par miracle, notamment après cette demie [les Bleus étaient menés 2-0], je vois toutes les difficultés, les pièges par lesquels on est passé.»

«Autant passer par les TQO»

Comme le résume le directeur de l’Insep, l’ancien judoka Fabien Canu, les TQO, c’est «être là le jour J à l’heure H. C’est une habitude à prendre, et c’est ce à quoi on reconnaît les champions ». «La pression arrive forcément à un moment donné, donc faut s’adapter au mode de qualification, complète Laurent Tillie. En sport, on est obligés d’avoir des matchs à pression, donc autant passer par les TQO, car on s’y habitue.»

Malgré tout, pour ces Jeux à la maison, bon nombre d’athlètes français, étant qualifiés d’office en tant que citoyens du pays hôte, n’ont pas l’obligation de se fader ces tournois de roulette russe et peuvent donc mieux peaufiner leur préparation. Au point de vraiment se relâcher?

«C’est clairement un poids en moins à supporter jusqu’aux Jeux, assure Thomas Chirault. On s’entraîne avec une autre approche, directement pour la grosse compétition. On se sert de ce poids en moins pour rajouter dans la prépa. C’est un peu comme si on avait du temps supplémentaire par rapport aux autres.» Pression en moins et meilleure préparation, autant dire qu’on peut viser les 80 médailles cet été.

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